INTRODUCTION En 1949, un peu avant sa mort, l'écrivain anglais George Orwell publiait son dernier livre, une fiction « anti-utopique » qu'il intitula 1984. Ce roman eut très vite un succès fulgurant à travers la planète, non pas pour la beauté de son écriture ou bien pour l'effort d'imagination délirante de l'auteur, mais bien pour l'aspect terrifiant du récit. On nous décrit un univers horrible où l'être humain n'a plus aucune valeur et où règne un effarant contrôle du parti sur la pensée des citoyens. Le plus important moyen entrepris par l'état pour établir ses valeurs et restreindre la capacité de réfléchir des membres du parti est sans contredit l'invention du Novlangue, traduction adéquate d'Amélie Audiberti pour désigner le « Newspeak » d'Orwell. Ce Novlangue est créé par les dirigeants dans le seul but d'obtenir un contrôle absolu sur sa population et d'anéantir du même coup son évolution. Devons- nous craindre d'être intellectuellement réduit par notre propre langue? Sommes-nous en proie à ce totalitarisme linguistique? Certains fait actuels laissent entendre que rien n'est impossible, et que les prophéties d'Orwell ne sont peut-être pas fondées sur du beurre... Les préceptes du novlangue Dabord, définissons le novlangue. Les principes de cette langue ne sont fondés que sur des buts politiques : un parfait contrôle de l'état sur la masse pour engendrer un monde parfaitement totalitaire. Ce nouveau langage est créé à partir de notre langue actuelle modifiée. Elle est hachée, restructurée, remodelée et simplifiée en vue de limiter la pensée des personnes qui l'utilisent. Elle se divise en trois sections : le vocabulaire A, le vocabulaire B (aussi appelé mots composés) et le vocabulaire C. Le vocabulaire A se compose principalement de mots liés à l'usage de la vie courante. Les mots sont courts, secs, simples et suggèrent un champ sémantique très restreint. Ainsi, on y retrouve les mots tels que course, chien, maison, etc. Le locuteur est réduit à réfléchir selon la complexité de sa langue; le novlangue étant intentionnellement extrêmement simplifié, le locuteur n'a donc plus le mérite de maîtriser sa langue. En effet, c'est bien connu que dans une société, sont plus élevés dans la hiérarchie sociale ceux qui ont une certaine maîtrise de leur langue. Quand l'apprentissage est trop simplifié et que le défi n'y est plus, on ne peut pas autant s'édifier; cette tactique sert à uniformiser les niveaux de langue, et de façon générale, elle est mise en pratique grâce aux règles de grammaire réduites à une simplicité à l'excès. Tout mot éxédant trois syllabes est éliminé, toute exception grammaticale est rayée. Par exemple, l'emploi du s pour le pluriel s'applique à tous les mots. Les mots chevaux et yeux deviennent donc chevals et oeils. Les mots ont perdu de leur nature : un mot peu être à la fois un nom, un verbe, adjectif et un adverbe. L'emploi du verbe couper fut jugé superflu, lorsque couteau le rempalçait aisément et pouvait définir en plus un objet. On note ici qu'une nouvelle couleur a été ajoutée au verbe. Le verbe couper perd de son caractère bénin pour se faire remplacer par un objet, un objet qui peut subtilement insinuer une arrière- pensée contrôlée. Pourquoi avoir choisi couteau plutôt qu'un autre mot, ou que d'avoir tout simplement gardé le verbe? C'est que couper réfère à une forme abstraite. On peut aisément couper la conversation ou couper des liens familiaux, par exemple, mais avec l'emploi d'un objet-verbe, l'action ne se colle plus qu'au concret. Quant aux adjectifs, ceux-ci sont castrés dans toutes leurs difficultés et ne proviennent que de mots déjà existants. Une seule règle s'applique partout; on ajoute un able aux noms communs pour les transformer en adjectif et on rajoute un ment à la fin de ces même adjectifs pour en faire des adverbes. Ainsi, le mot vérité devient l'adjectif véritable et l'adverbe véritablement. La moitié des adjectifs sont complètement effacés car on juge qu'un mot n'a pas besoin de son opposé. Le mot mauvais peut être facilement remplacé par la négation de son contraire, en y ajoutant un in, formant l'adjectif inbon. Une panoplie d'autres suffixes peuvent aussi s'accoler aux mots du vocabulaire A pour renforcir leur signification, tels que post, anté, haut, bas, etc. Si l'on veut donc affirmer que quelque chose est superlativement mauvais, on pourra le désigner de doubleplus-inbon. Ces corrections au language ont pour but de limiter la capacité de penser et de réfléchir. Les mots à double-sens perdent de leur étendue sémantique en étant restreint à une seule définition. L'appendice sur le Novlangue dans 1984 nous indique justement le concept de signification unique avec l'exemple du mot « libre » : Ainsi, le mot libre existait encore en novlangue, mais ne pouvait être employé que dans des phrases comme « le chemin est libre ». Il ne pouvait être employé dans le sens ancien de « liberté politique » ou de « liberté intellectuelle ». (p.422) Dans la société construite par Orwell, les concepts de « liberté politique » ou de « liberté intellectuelle » sont carrément anéantis, alors necessairement, aucun mot ne doit pouvoir désigner une réalité ancienne, désuette et qui n'existe plus. Par contre, ce qui devient intéressant, c'est de penser que c'est intentionnellement et au fur et à mesure que le novlangue évolue que l'on supprime graduellement les mots qui évoquent des idées à proscrire. Ainsi, en éliminant le mot, l'idée disparaît. Prenons par exemple un individu qui connais le mot révolution, un lien se forme intantanément avec le concept de révolte. Otons le mot de son vocabulaire et il ne pourra plus y penser, l'idée n'ayant plus aucune référence, aucune désignation... ou plutôt si, le mot « révolution » a son équivalent en novlangue, et c'est « crimepensée ». Mais ici, nous entrons dans le vocabulaire B. Le vobabulaire B comprend pour sa part des mots composés qui désignent des réalités plus politiques. Ils sont formés de plusieurs mots soudés ensemble de façon facilement prononçable. Le choix des mots soudés ensembles indiquent aussi la position du parti face à l'idée, celle-ci en est ainsi teintée d'une idéologie imposée. Par exemple, pour désigner le fait de « penser de façon orthodoxe », le mot bonpensé s'applique. On insunue alors par ce mot que le fait de penser de façon orthodoxe est synonyme de penser sainement. Plusieurs juxtaposition ont aussi été tranchées pour les rendre plus facile à prononcer, comme les ministères, qui sont nommés Miniver, Minipax et Miniam plutôt que les trop lourds Ministère de la vérité, Ministère de la paix et Ministère de l'amour. D'ailleurs, ces coupures sont très bien justifiées; l'éthymologie est mots est gardée dans un minimum de syllabe afin de limiter les associations d'idée. Ces abbréviations réductrices furent utilisées au cours du Xxe siècle de façon inconsciente dans les régimes totalitaires (pensons à gestapo, comintern, etc), mais c'est avec le désir de réduction d'association que le parti adopta ces mesures d'abbréviations dans le novlangue : Les mots « communisme international », par exemple, évoquaient une image composite : Universelle fraternité humaine, drapeaux rouges, barricades, Karl Marx, Commune de Paris, tandis que le mot « Comintern » suggérait simplement une organisation étroite et un corps de doctrine bien défini. Il se référait à un object presque aussi reconnaissable et limité dans son usage qu'une chaise ou une table. Comintern est un mot qui peut être pronocé presque sans réfléchir tandis que Communisme International est une phrase sur laquelle on est obligé de s'attarder, au moins momentanément. Tous les mots du vocabulaire B ont donc une teneur idéologique imposée par le parti, ce qui amène celui-ci à avoir le parfait contrôle sur la pensée des citoyens. Le vocabulaire C, pour sa part, ne renferme que les termes scientifiques ou techniques. Ils sont peu utilisés et généralement peu connus. Ces mots sont spécifiques aux professions et suivent les mêmes règles grammaticales que les deux autres groupes de mot. Ainsi fonctionne le novlangue, en général, aussi terrifiant que cela puisse paraître. La norme sur la langue ainsi contrôlée par le parti donne un pouvoir illimité à celui-ci sur la communication de valeurs dans la société. Pourquoi agir de la sorte? Les visées totalitaires du parti sont évidemment centrées sur le contrôle et le pouvoir de la masse, et pas seulement par le biais du novlangue; plusieurs mesures sont intentées afin de garder ce contrôle, mais seul le novlangue peut vraiment réussir à freiner l'évolution d'une société dans son ensemble. Le novlangue représente en fait une norme imposée. La norme représente le repère pour le langage, et tout excès de norme favorise necessairement l'arrêt de l'évolution du langage. On dit que le langage est le miroir de la santé d'une société, et ce n'est pas sans fondement; il est clair maintenant, avec l'étude du novlangue, que le contrôle de la langue a un réel impact sur les idéologies et sur l'évolution d'une société. Dans un autre ordre d'idée, on assisterait avec l'emploi du novlangue à une incroyable uniformisation sociale. En effet, la langue actuelle est modifiée selon les paramètre sociaux relatifs à chaque individu. Ayant une langue normative à l'extrême, les locuteurs native du novlangue seront forcés de se conformer non seulement dans leur façon de parler, mais aussi dans les facteurs sociaux de variations. Il n'y aurait plus de distinction sociale aucune selon l'âge, le sexe ou la scolarité. Si une société est parfaitement hétérogène, les façons de parler le seront aussi - le Japon actuel en est un excellent exemple. La langue nippone ne possède aucune variance sur toute son île, et parallèlement, on décrit la société japonaise comme étant une des plus hétérogènes de la planète. "Plus on est socialement valorisé, plus notre langue le sera." L'inverse est aussi valable. Une maîtrise du langage amène une certaine valorisation au sein de la communauté. Ainsi, si on prend le novlangue comme étant une langue dans son sens strice n'ayant aucune difficulté propre, la maîtrise de celle-ci n'est donc plus valorisée de la même façon, ce qui amène l'individu à n'être pas valorisé lui-même. D'autre part, l'application du novlangue en société amène une communication excessivement restreinte, limitée au langage de la vie courante sans aucun débordement. Aucun autre échange, moindrement plus réfléchit ou qui traduit une opinion, ne peut être possiblement rendu. La phrase "Big Brother est inbon" est gramaticalement correcte en novlangue, soit, mais le dire produire autant de sens que de dire "tous les hommes sont roux". Les opinions imposés sont aisni gravées dans la mentalité des gens et la langue n'est que l'outil idéal pour tout ce totalitarisme linguistique. Quelques phénomènes linguistiques actuels semblables Oui, il existe acutellement des phénomènes semblable aux principes de la novlangue. À toutes les fois que l'on assiste à une censure quelconque dans une langue, l'idée comme telle perd de son sens. Les censures de la langues ne sont pas des éliminations radicales comme l'on en retrouve dans 1984, mais représentent davantage ce que la norme juge "d'incorrect". On assiste donc à une vague d'auto-censure en tourant les anciens et nouveaux tabous de notre société actuelle. Le phénomène du "politiquement correct" se rapproche de cette réalité. En employant des euphémismes jusqu'à outrance, le langage perd un peu de son humanité pour sonner comme un terme scientifique sans aucune saveur; "Etrangement, l'euphémisation rappelle le langage administratif." Le changement de comportement dans les manière d'agir linguistiquement effectuent une certain maniement subtil sur les mentalités. Ces nouveaux termes donnés aux tabous pour ne pas les nommer tournent parfois au ridicule: Ainsi, pour parler du groupe qu'ils représentent, les auteurs du Guide ne rejettent pas seulement des noms communs tels infirme (à remplacer par personne ayant une déficience physique), patient (personne ayant une déficience ou une limitation fonctionnelle), aveugle (personne ayant une déficience visuelle), sourd ( personne malentendante ou personne ayant une déficience auditive) et ainsi de suite. Dans la foulée, ils proposent d'éliminer l'expression personne normale au profit de personne n'ayant aucune déficience ou limitation fonctionnelle. Cet aspect normatif à l'extrême qui tente d'inculquer une nouvelle morale s'appuie sur une culture dominante qui nie l'individu au profit d'une pensée collective. Elle permet aux groupes politiquement puissants d'imposer leur propre morale, phénomène étrangement fort semblable à la situation décrite dans 1984. Par ailleurs, certains euphémismes sont arrivés d'eux-même dans le langage journalier sans aucune influence politique. Pensons aux anciens tabous, comme l'argent, la mort et le sexe. Une liste exhaustive de synonymes populaires peut être facilement construite (par exemple, pour argent: bacon, foin, bidoux, liquide, billets, etc). Cet emploi des déviations n'ont pour utilité que de contourner la réalité pour ne pas la nommer. Enfin, ces auto-censures du langage amène l'individu à une certaine conformité. Il suit inconsciemment les règles implicites de comportement suggérées par le langage. De ce fait, l'attachement à la norme s'y fait de plus en plus importante, d'où le rapprochement avec le fameux totalitarisme linguistique d'Orwell. Alors, sommes-nous en danger? Rassurez-vous, une telle manipulation normative de la langue est encore loin d'être accomplie. Les facteurs sociaux qui joue en faveur des nombreuses variations de la langue sont encore trop importants pour laisser passer une uniformité déhumanisante. Les fossés entre les classes sociales toujours de plus en plus creux offrent au moins l'avantage de continuer à faire fleurir le langage et à lui assurer une évolution constante. Le totalitarisme linguistique ne peut advenir qu'avec l'imposition stricte de la norme. Pourtant, il serait déplacé de considérer les puristes comme étant des facteurs qui pouraient éventuellement engendrer une forme de novlangue. Quoique très normatifs, ils n'adhèrent à aucun mouvement de réforme radicale, comme le représente le novlangue. De plus, un langage créé et imposé est impensable sous le mode de production capitaliste, où l'état n'a pas autant de pouvoir que dans la société imaginée par George Orwell. CONCLUSION C'est bien connu, la langue est le plus puissant facteur d'identification sociale,