1984 La littérature du XXe siècle déborde de roman de science fiction " anti-utopique " qui tentent de décrire prophétiquement un univers éventuel où l'homme cours à sa propre déhumanisation. Nous n'avons qu'à penser au roman The Handmaid's Tale, de Margaret Atwood, à We, de Eugene Zamiatin, à Brave New World, de Aldous Huxley, ou bien à 1984, l'ouvrage qui fit de Georges Orwell, avec ses essais et autres romans à caractère politique, un personnage important de la littérature contemporaine. Il nous y convie à découvrir un monde totalitaire tout à fait horrifiant, où l'état contrôle jusqu'à la pensée des citoyens, où le passé se modifie à loisir sans aucune forme de réaction et où la résitance et l'espoir réside entre les mains des prolétaires inconscients. On assiste donc à l'anéantissement d'un révolté discret, Winston, qui doit subir des traitements inhumains de la part des dirigeants du parti en vue de le guérir de son écart du droit chemin. Cette terrible société repose sur quatre ministères : le ministère de l'abondance, qui gère les rations et apporte la famine, le ministère de la paix, qui s'occupe de la guerre, le ministère de la vérité, qui propage le mensonge, et le ministère de l'amour, le plus à craindre, c'est celui qui gère la police de la pensée. C'est ces trois derniers thèmes, la guerre, le mensonge et la haine, qui se démarquent tout au long du roman. En premier lieu, Orwell attache une importance primordiale à la guerre (et du même coup à la paix, une paix abstraite apportée par la guerre elle-même). Les allusions à la guerre sont omniprésentes, car le récit illustre non seulement l'état constant de guerre de la société socialiste anglaise, mais aussi le combat de Winston contre le parti. D'ailleurs, aucune de ces luttes ne semblent avoir de dénouement victorieux, pas même dans le cas de Winston. D'une part, cette lutte acharnée contre le parti est finalement pourvue d'une vision vraisemblablement négative par son dénouement défaitiste. La lutte de Winston contre le parti est vaine; il se fait non seulement torturé mais en plus, il termine sa vie comme une citoyen sans aucun scrupule, sans arrière-pensée révolutionnaire, il accepte la conformité à l'extrême et le monde totalitaire dans lequel il vit. On ne pourrait vraiment dire si Winston est perdant dans cette histoire, car il a finalement retrouvé une certaine paix intérieure en acceptant de se rendre lui-même aveugle. D'autre part, l'état constant de guerre de l'oceania contribue au bon fonctionnement de l'état. Les guerres entre les super-états de l'Estasia, l'Eurasia et l'Océania se sont pas motivées par des idéologies qui diffèrent, ni par des besoins de conquêtes: "Avec l'établissement des économies intérieures dans lesquelles la production et la consommation sont engrenées l'un dans l'autre, la lutte pour les marchés, qui était l'une des principales causes des guerres antérieures, a disparu." (p.265) Les raisons de l'état pour faire la guerres ne sont pas d'ordre économique, territoriale, pour la main d'oeuvre ou la matière première; c'est justement dans le but d'épuiser les surplus afin d'empêcher l'élévation du niveau de vie que l'état entre en guerre. Parallèment, on enseigne aux membres du parti à s'approprier une attitude patriotique fanatique envers l'état; la société a besoin d'un ennemi commun pour pouvoir assurer l'uniformité de la masse. Les citoyens sont donc liés entre eux par une haine envers les ennemis du parti. La survie de la société socialiste anglaise (définie comme étant l'angsoc) dépend entièrement de la "santé" de la guerre. De plus, cet état de haine constant envers l'ennemi catalyse les frustrations des membres qui pourraient éventuellement se rebeller contre tout autre chose, ou du moins, c'est ce que l'on peut en conclure selon la théorie soumise par Emmanuel Goldstein dans son livre aux visées révolutionnaires qui attirera Winston à commettre le crime par la pensée. En second lieu, un autre thème omniprésent est celui du mensonge versus la vérité. La vérité est constemment falsifiée pour être plus "actuelle" et fidèle aux présent du parti. Le métier de Winston consiste à changer les information dans les périodiques dans le but de les rendre d'actualité. Si une personne se faire "vaporiser" (terme utiliser pour remplacer le mot "éliminer"), celle-ci devra disparaître de tout document existant. Cette personne n'aura alors jamais existé du tout. Ces falsifications des documents historiques amènent un présent perpétuel où le parti ne présente jamais aucune faille. Rien n’existe sauf le présent éternel dans lequel le Parti a toujours raison. Étant donné sa position, Winston sait bien que le passé est falsifié mais il n'a aucun moyen de le prouver. L'état modifie donc le passé afin de faire de l'oubli collectif une preuve de la dite inffallibilité du parti. Les vérités inventées par l'état deviennent donc necessairement des vérités au sein de la population. Ce qui sort du parti est vrai puisqu'on ne le questionne pas. Les idéologies collectives sont constemment créées par l'état et entièrement contrôlées par l'état. La pensée est dévalorisée; d'ailleurs, le terme en novlangue pour exprimer le fait de "penser de façon orthodoxe" se traduit par "bonpensé". On incite, par l'imposition de normes excessives et par la formation d'une société comlètement conforme et hétérogène, à freiner l'évolution en répendant le faux comme des vérités. Le nom des ministères qui régissent l'état, les pilliers de l'angsoc, sont eux-même dotés de noms tout à fait contradictoires. C'est dans le ministère de la vérité que l'histoire est modifiée, que le passé est altéré et qui rend le présent éternel. Dans le discours que fait O'Brian, un représentant du parti, à l'intention de Winston pour le guérir de sa "maladie mentale", Il affirme que la vérité est quelque chose à l'intérieur de l'humain, et le parti représente l'intérieur de toute la collectivité: Vous croyez que la réalité est objective, extérieure, qu’elle existe par elle-même. Vous croyez aussi que la nature de la réalité est évidente en elle-même. Quand vous vous illusionnez et croyez voir quelque chose, vous pensez que tout le monde voit la même chose que vous. Mais je vous dis, Winston, que la réalité n’est pas extérieure. La réalité existe dans l’esprit humain et nulle part ailleurs. [...] Elle n’existe que dans l’esprit du Parti, qui est collectif et immortel. Ce que le Parti tient pour vrai est la vérité. Il est impossible de voir la réalité si on ne regarde avec les yeux du Parti. (p. 352) C'est ainsi que le parti manipule la conscience sociale de la masse: il lui impose les faits comme étant vrai, et n'ayant aucun preuve du contraire ou influence extérieure pour penser le contraire, ceux-ci sont forcés d'abdiquer au profit d'une claire ignorance orthodoxe. Finalement, le troisième thème principalement abordé dans 1984 est celui de l'amour, ou plutôt de la haine car l'amour étant un sentiment humain et la notion d'humanité étant quasi-éliminée du récit, le concept d'amour en est réduit à une image plutôt faible. Les relations sexuelles parmi les membres du parti ne sont tolérées que pour les desseins de progéniture et les couples sont arrangés de façon à ce qu'aucun sentiment ne puisse surgir entre les deux personnes concernées. Les émotions tolérées sont en grande partie comblées par la haine envers les ennemis du parti. Le parti organise une semaine de la haine à cet effet, et tous y participent aveuglément et doivent manifester leur patriotisme de façon exemplaire. Winston développe une relation intime avec Julia, une autre citoyenne révolutionnaire, mais jamais il n'est question d'amour entre eux; leur affection n'a comme racine que la conviction commune des deux êtres contre le parti: "Mais on ne pouvait aujourd'hui avoir d'amour ou de plaisir pur. [...] Leur embrassement avait été une bataille, leur jouissance une victoire. C'était un coup porté au Parti. C'était un acte politique." (p.181) Leur amour n'est donc qu'une action révolutionnaire, une réaction envers le parti qu'ils trouvent ous deux inconcevable. D'ailleurs, le seul amour toléré, acceptable et même encouragé et l'amour envers Big Brother, amour qui se veut le symbole de fidélité et de dévouement aveugle des membres envers le parti. L'amour pour Big Brother représente donc la conformité au système, le rejet de la pensée hérétique et l'acceptation du parti comme étant la seule vérité. Pour conclure, le roman se termine sur une note plutôt négative: défaite de l'individu face à la conformité, de l'humain au totalitarisme. Ce que le parti propose à ses citoyens est de vivre les yeux volontairement fermés et d'aider à l'unification totale de la communauté. Cette distopie suggérée par George Orwell fut le fruit de ses propres peurs quant à l'avenir des sociétés socialistes totalitaires - après avoir vu Staline à l'oeuvre, Orwell ne pouvait faire autrement que d'exprimer ses idées politiques et ses mises en garde par le biais de ses récits, comme il l'a fait aussi avec La ferme des animaux. Le roman 1984 explique clairement la façon de procéder du parti pour garder un contrôle absolu sur la pensée collective, mais une question demeure irrésolue... Pourquoi empêcher l'égalité des hommes? On prêche le pouvoir pour le pouvoir, la torture pour la torture, mais enfin, pour quels motifs? Winston se fait arrêter par la police de la pensée avant de pouvoir lire le chapitre sur le sujet. Peut-être en est-il simplement ainsi avec la nature humaine: affamée de puissance, toujours plus avide de pouvoir. 1. La paix 1.1 L'état doit être constemment en guerre pour survivre (théorie de Goldstein) 1.2 On force les gens à être patriotique, à aimer les guerres et à détester les ennemis 2. La vérité 2.1 On falsifie les anciens documents pour qu'ils soient actuels (métier de Winston) 2.2 Les vérités sont créées par l'état (les guerres, le mode de pensée, les ministères, etc) 3. L'amour 3.1 L'amour est inexistant, le sexe n'est toléré que pour la progéniture, aucun sentiment n'est toléré à part la haine (ex : Goldstein, la semaine de la haine, etc) 3.2 Le seul amour acceptable est l'amour pour Big Brother (symbolisme de fidélité et d'amour aveugle envers le parti)