http://envie2revolution.skyrock.com/8.html http://jackkurtetmoi.skyrock.com/280821063-je-voulais-juste-vous-faire-part-d-un-debat-entre-3monstres-sacres-de.html -Vous avez tous, à un moment ou à un autre de votre existence, ou mêmeencore maintenant, flirté avec les mouvements anarchistes oulibertaires, Pour Brassens ce fût une époque, pour Brel un surnom, etpour Ferré c'est encore une cause militante, un prétexte à des récitalspresque insurrectionnels... FERRÉ :Non ! Je ne suis pas, je ne peux pas être un militant. Je ne peux pasmiliter pour quelque idée que ce soit car je ne serais pas libre. Et jecrois que Brassens et Brel sont comme moi, parce que l'anarchie estd'abord la négation de toute autorité, d'où qu'elle vienne. L'anarchiea d'abord fait peur aux gens, à la fin du XIXe siècle, parce qu'il yavait des bombes. Après ça les a fait rigoler. Ensuite, le mot anarchiea pris comme un goût mauvais dans la bouche des gens. Et puis, depuisquelques mois, singulièrement depuis mai, les choses se sont remises enplace. Je vous assure que quand vous prononcez le mot anarchie, ouanarchistes, même en scène, les gens ne rigolent plus, ils sontd'accord, et ils veulent savoir ce que c'est. BRASSENS :C'est difficile à expliquer, l'anarchie... Les anarchistes eux-mêmesont du mal à l'expliquer. Quand j'étais au mouvement anarchiste – j'ysuis resté deux ou trois ans, je faisais Le Libertaire en 45-46-47, etje n'ai jamais complètement rompu avec, mais enfin je ne milite pluscomme avant – , chacun avait de l'anarchie une idée tout à faitpersonnelle. C'est d'ailleurs ce qui est exaltant dans l'anarchie :c'est qu'il n'y a pas de véritable dogme. C'est une morale, une façonde concevoir la vie, je crois... BREL : ...Et qui accorde une priorité à l'individu ! FERRÉ :C'est une morale du refus. Car s'il n'y avait pas eu au long desmillénaires quelques énergumènes pour dire non à certains moments, nousserions encore dans les arbres ! BREL :Je suis entièrement d'accord avec ce que dit Léo. Cela dit, il y a desgens qui ne se sentent pas seuls ni inadaptés et qui trouvent leursalut collectivement. BRASSENS :Bien sûr. En ce qui me concerne, je ne désapprouve jamais rien, lesgens font à peu près ce qu'ils veulent. Je suis d'accord ou je ne suispas d'accord, c'est tout. Parce que j'avais dit ça, on m'a souventreproché de ne pas vouloir refaire la société. C'est que je ne m'ensens pas capable. Si j'avais des solutions collectives... BREL : Mais qui, qui a la solution collective ? BRASSENS :Il y en a qui prétendent l'avoir. Mais dans le monde actuel, il n'y ena pas beaucoup qui semblent la détenir... [rires] Moi, je ne sais pasce qu'il faut faire. Si je le savais, si j'étais persuadé qu'entournant à droite ou à gauche, en faisant ceci ou cela, le monde allaitchanger, je la sacrifierais ma petite tranquillité ! Mais je n'y croispas tellement... - Léo Ferré ? FERRÉ : Moi je suis moins lyrique que lui... BRASSENS : ...Toi, Léo, tu es complètement désespéré ! BREL : Il y a un phénomène d'impuissance aussi, qui est absolument affreux, quoi... - Vous avez donc vraiment l'impression de ne rien pouvoir faire ? BRASSENS :Non, je fais quelque chose auprès de mes voisins, de mes amis, dans mespetites limites. Je pense d'ailleurs que c'est aussi valable que si jemilitais quelque part... Ne pas crier haro sur le baudet, c'est uneforme d'engagement comme une autre. FERRÉ :Je trouve que Georges, dans son cœur, il milite bien plus que moi.Parce que moi, je ne crois plus en bien des choses auxquelles il veutcroire. BRASSENS : Je fais semblant, Léo. Je fais comme lorsque l'amour s'en va. Je fais semblant d'y croire, et ça le fait durer un petit peu... FERRÉ : Non, non. Quand l'amour s'en va, il est déjà parti depuis longtemps.