C'était du temps où je rongeais mon frein en arts et lettres, au cégep du vieux montréal. Une des principales raisons pourquoi après tout, je ne regrette pas d'être passé par là, c'est mon cours de Langue et Société. J'adorais le professeur et la matière était passionnante... Enfin, je vous présente ici mon travail de fin de session qui porte sur le Novlangue, la langue inventée dans 1984 pour asujetir les membres du parti au totalitarisme. Le Novlangue, ou le pouvoir par le language INTRODUCTION En
1949, un peu avant sa mort, lécrivain anglais George
Orwell publiait son dernier livre, une fiction « anti-utopique
» quil intitula 1984. Ce roman eut très vite
un succès fulgurant à travers la planète, non
pas pour la beauté de son écriture ou bien pour leffort
dimagination onérique de lauteur, mais bien pour
laspect terrifiant du récit. On nous décrit
un univers horrible où lêtre humain na
plus aucune valeur et où règne un effarant contrôle
du parti sur la pensée des citoyens. Un des plus importants
moyens entrepris par létat pour établir ses
valeurs et restreindre la capacité de réfléchir
des membres du parti est sans contredit linvention du Novlangue,
traduction adéquate dAmélie Audiberti pour désigner
le « Newspeak » dOrwell. Ce Novlangue est créé
par les dirigeants de létat dans le seul but dobtenir
un contrôle absolu sur sa population et danéantir
du même coup son évolution. Devrions-nous craindre
dêtre intellectuellement réduit par notre propre
langue? Sommes-nous en proie à ce totalitarisme linguistique?
Certains fait actuels laissent entendre que rien nest impossible
et que les prophéties dOrwell ne sont peut-être
pas fondées que sur la fertilité de son imagination
Dabord, définissons le novlangue. Les principes de cette langue ne sont fondés que sur des buts politiques : un parfait contrôle de létat sur la masse engendrant un monde parfaitement totalitaire. Ce nouveau langage est créé à partir de notre langue actuelle modifiée. Elle est hachée, restructurée, remodelée et simplifiée en vue de limiter la pensée des personnes qui lutilisent. Elle se divise en trois sections : le vocabulaire A, le vocabulaire B (aussi appelé mots composés) et le vocabulaire C. Le vocabulaire A se compose principalement de mots liés à lusage de la vie courante. Les mots sont courts, secs, simples et suggèrent un champ sémantique très restreint. Ainsi, on y retrouve les mots tels que course, chien, maison, etc. Dans une langue donnée, le locuteur est réduit à réfléchir selon la complexité de sa langue; le novlangue étant intentionnellement extrêmement simplifié, le locuteur na donc plus le mérite de maîtriser sa langue. En effet, il est bien connu que dans une société, sont plus élevés dans la hiérarchie sociale ceux qui ont une certaine maîtrise de leur langue. Quand lapprentissage est trop simplifié et que le défi ny est plus, on ne peut pas autant sédifier; cette tactique sert à uniformiser les niveaux de langue, et de façon générale, elle est mise en pratique grâce aux règles de grammaire réduites à une simplicité à lexcès. Tout mot éxédant trois syllabes est éliminé, toute exception grammaticale est rayée. Par exemple, lemploi du s pour le pluriel sapplique à tous les mots. Les mots chevaux et yeux deviennent donc chevals et oeils. Les mots ont perdu de leur nature : un mot peu être à la fois un nom, un verbe, adjectif et un adverbe. Lemploi du verbe couper fut jugé superflu, lorsque couteau le rempalçait aisément et pouvait parallèlement définir un objet. On note ici quune nouvelle teinte a été ajoutée au verbe. Le verbe couper perd de son caractère neutre pour se faire remplacer par un objet, un objet qui peut subtilement insinuer une arrière-pensée (suggérée et contrôlée par le parti). Pourquoi avoir choisi couteau plutôt quun autre mot, ou que davoir tout simplement gardé le verbe? Cest que couper réfère à une forme abstraite. On peut aisément couper la conversation ou couper des liens familiaux, par exemple, mais avec lemploi dun objet-verbe, laction ne se colle plus quau concret. Quant aux adjectifs, ceux-ci sont castrés dans toutes leurs difficultés et ne proviennent que de mots déjà existants. Une seule règle sapplique partout; on ajoute un able aux noms communs pour les transformer en adjectif et on rajoute un ment à la fin de ces même adjectifs pour en faire des adverbes. Ainsi, le mot vérité devient ladjectif véritable et ladverbe véritablement. Au moins la moitié des adjectifs sont complètement effacés du vocabulaire car on juge quun mot na pas besoin de son opposé. Le mot mauvais peut être facilement remplacé par la négation de son contraire, bon, en y ajoutant un in, formant ladjectif inbon. Une panoplie dautres suffixes peuvent aussi saccoler aux mots du vocabulaire A pour renforcir leur signification, tels que post, anté, haut, bas, etc. Si lon veut donc affirmer que quelque chose est superlativement mauvais, on pourra le désigner de doubleplus-inbon. Lutilisation de plus ou de doubleplus réduit de beaucoup les problèmes reliés à lemploi des superlatifs. Ces
corrections au language ont pour but de limiter la capacité
de penser et de réfléchir de façon logique.
Les mots à double-sens perdent de leur étendue sémantique
en étant restreint à une seule définition.
Lappendice sur le novlangue dans 1984 nous indique justement
le concept de signification unique avec lexemple du mot «
libre » : Dans la société imaginée par Orwell, les concepts de « liberté politique » ou de « liberté intellectuelle » sont carrément anéantis, alors necessairement, aucun mot ne doit pouvoir désigner une réalité ancienne, désuette et qui nexiste plus. Par contre, ce qui devient intéressant, cest de penser que cest intentionnellement et au fur et à mesure que le novlangue évolue que lon supprime les mots qui évoquent des idées à proscrire. Ainsi, en éliminant le mot, lidée disparaît. Prenons par exemple un individu qui connait le mot révolution, un lien se forme instantanément dans son esprit avec le concept de révolte. Enlevons le mot de son vocabulaire et il ne pourra plus y penser, lidée nayant plus aucune référence, aucune désignation propre Néanmoins, on peu affirmer que le mot révolution a son équivalent en novlangue, et cest crimepensée. Mais ici, nous entrons dans le vocabulaire B. Le vobabulaire B comprend pour sa part des mots composés qui désignent des réalités plus politiques. Ils sont formés de plusieurs mots soudés ensembles de façon facilement prononçable. Le choix des mots collés indiquent aussi la position du parti face à lidée, celle-ci en est ainsi teintée dune idéologie imposée. Par exemple, pour désigner le fait de « penser de façon orthodoxe », le mot bonpensé sapplique. On insinue alors par ce mot que le fait de penser de façon orthodoxe est synonyme de penser sainement. Plusieurs juxtapositions ont aussi été tranchées pour les rendre plus facile à prononcer, comme les ministères par exemple, qui se nomment Miniver, Minipax et Miniam plutôt que les trop lourds Ministère de la vérité, Ministère de la paix et Ministère de lamour. Dailleurs, ces coupures sont très bien justifiées; léthymologie des mots est gardée dans un minimum de syllabe afin de limiter les associations didée. Ces abbréviations réductrices furent utilisées au cours du XXe siècle, mais leur impact sur la réduction dassociation didée et sur leuphémisme que les abbréviations engendrent était utilisée de façon tout à fait inconsciente dans les régimes totalitaires (pensons à gestapo, comintern, etc). Dans langsoc de 1984, cest avec le désir formel de réduction dassociation que le parti adopta ces mesures dabbréviations dans le novlangue : Les mots « communisme international », par exemple, évoquaient une image composite : Universelle fraternité humaine, drapeaux rouges, barricades, Karl Marx, Commune de Paris, tandis que le mot « Comintern » suggérait simplement une organisation étroite et un corps de doctrine bien défini. Il se référait à un object presque aussi reconnaissable et limité dans son usage quune chaise ou une table. Comintern est un mot qui peut être pronocé presque sans réfléchir tandis que Communisme International est une phrase sur laquelle on est obligé de sattarder, au moins momentanément. Dautre part, Toutes les façons de penser qui sont contraires à la philosophie du parti ne sont représentées que par un seul terme novlangue : crimepensé. Le crime par la pensée est commis toutes les fois où la double-pensée sexerce dans lesprit dun membre du parti. On entend par double-pensé le fait de croire aux valeurs inculquées par laction de létat et de croire simultanément aux idées inverses, donc davoir des simulacres de pensées rebelles. La double-pensée est passible dune arrestation par la police de la pensée ainsi que de la vaporisation de lindividu hérétique. Cest le meilleur moyen trouvé par le parti pour sapproprier un contrôle absolu, et la création du novlangue navait comme objectif que dempêcher tout crime par la pensée, rendu indéfinissable avec lemploi du fameux langage totalitaire. Bref, tous les mots du vocabulaire B ont donc une teneur idéologique imposée par le parti, ce qui amène celui-ci à avoir le parfait contrôle sur la pensée des citoyens qui utilisent ce vocabulaire. Le vocabulaire C, pour sa part, ne renferme que les termes scientifiques ou techniques. Ils sont peu utilisés et généralement peu connus. Ces mots sont spécifiques aux professions et suivent les mêmes règles grammaticales que les deux autres groupes de mot. Ainsi fonctionne le novlangue, en général, aussi terrifiant que cela puisse paraître. Cest ainsi que le parti arrive, par lentremise du novlangue, à épurer la langue au point de rendre le crime par la pensée tout simplement impossible. La norme sur la langue ainsi contrôlée par le parti donne un pouvoir illimité à celui-ci sur la communication de valeurs dans la société. Pourquoi agir de la sorte? Les visées totalitaires du parti sont évidemment centrées sur le contrôle et le pouvoir de la masse, et pas seulement par le biais du novlangue; plusieurs mesures sont intentées afin de garder ce contrôle, mais cest surtout le novlangue qui peut vraiment réussir à freiner lévolution dune société dans son ensemble. Le novlangue représente en fait une imposition excessive de norme. Pour tout locuteur, la norme représente un repère pour le langage, et tout excès de norme favorise nécessairement larrêt de lévolution du langage. On dit que le langage est le miroir de la santé dune société, et ce nest pas sans fondement; il est clair maintenant, avec létude du novlangue, que le contrôle de la langue a un réel impact sur les idéologies et sur lévolution dune société. Dans un autre ordre didée, on assisterait avec lemploi du novlangue à une incroyable uniformisation sociale. En effet, la langue actuelle est modifiée selon les paramètres sociaux relatifs à chaque individu. Ayant un contrôle normatif à lextrême, les locuteurs natifs du novlangue seront forcés de se conformer non seulement dans leur façon de parler, mais aussi dans les facteurs sociaux de variations qui autrement les distingueraient entre eux. Il ny aurait plus de différence sociale aucune selon lâge, le sexe ou la scolarité. Si une société est parfaitement hétérogène, les façons de parler le seront aussi le Japon actuel en est un excellent exemple. La langue nippone ne possède pas vraiment de variance sur toute son île, et parallèlement, on décrit la société japonaise comme étant une des plus hétérogènes de la planète. Les conséquences dune société parfaitement hétérogène se traduisent par un anéantissement de la valeur individuelle pour laisser sa place à la conscience collective, potentiellement oppressive. « Plus on est socialement valorisé, plus notre langue le sera. » Linverse est aussi valable. Une maîtrise du langage amène une certaine valorisation au sein de la communauté. Ainsi, si on considère le novlangue comme étant une langue nayant aucune difficulté propre, la maîtrise de celle-ci nest donc plus valorisée de la même façon, ce qui amène le locuteur à nêtre pas valorisé en tant quindividu. Dautre part, lapplication du novlangue en société amène une communication excessivement restreinte, limitée au langage de la vie courante sans aucun débordement. Aucun autre échange, qui traduit une opinion ou qui savère moindrement plus réfléchi, ne peut être possiblement rendu. Le crime par la pensée est impossible dû au manque de mot pour lengendrer. Quoi quil en soit, la phrase « Big Brother est inbon » est gramaticalement correcte en novlangue; mais le dire produit autant de sens que de dire « tous les hommes sont roux ». Les valeurs du parti sont ainsi gravées dans lesprit des gens et la langue est loutil idéal pour imposer ce totalitarisme dans la conscience commune. Quelques phénomènes linguistiques actuels semblables Oui, il existe acutellement des phénomènes semblables aux principes du novlangue. À toutes les fois que lon assiste à une censure quelconque dans une langue, lidée comme telle perd de son sens. Les censures de la langues ne sont pas nécessairement des éliminations radicales comme lon en retrouve dans 1984, mais représentent davantage ce que la norme juge « dincorrect » et ce que lon tait consciemment. On assiste donc à une vague dauto-censure qui sapplique sur les anciens et nouveaux tabous de notre société actuelle. Le phénomène du «politiquement correct » se rapproche de cette réalité. En employant des euphémismes jusquà outrance, le langage perd un peu de son humanité pour sonner comme un terme scientifique sans aucune saveur; «Etrangement, leuphémisation rappelle le langage administratif.» Le changement de comportement dans les manières dagir linguistiquement effectuent une certain maniement subtil sur les mentalités. Ces nouveaux termes donnés aux tabous pour ne pas les nommer tournent parfois au ridicule: Ainsi, pour parler du groupe qu'ils représentent, les auteurs du Guide ne rejettent pas seulement des noms communs tels infirme (à remplacer par personne ayant une déficience physique), patient (personne ayant une déficience ou une limitation fonctionnelle), aveugle (personne ayant une déficience visuelle), sourd ( personne malentendante ou personne ayant une déficience auditive) et ainsi de suite. Dans la foulée, ils proposent d'éliminer l'expression personne normale au profit de personne n'ayant aucune déficience ou limitation fonctionnelle. Cet aspect normatif à lextrême qui tente dinculquer une nouvelle morale sappuie sur une culture dominante qui nie lindividu au profit dune pensée collective. Elle permet aux groupes politiquement puissants dimposer leur propre morale, phénomène étrangement fort semblable à la situation décrite dans 1984. Par ailleurs, certains euphémismes sont arrivés deux-même dans le langage journalier sans aucune influence politique. Pensons aux anciens tabous, comme largent, la mort et le sexe. Une liste exhaustive de synonymes populaires peut être facilement énumérée (par exemple, pour argent: bacon, foin, bidoux, liquide, billets, etc). Cet emploi des déviations conscientes na pour utilité que de contourner la réalité pour ne pas la nommer. Cette auto-censure parvient à apaiser le tabou et à le rendre de nature assez différente pour être nommable. Modifions le mot et lidée qui sy rattache se modifie aussi. Enfin, ces censures du langage amène lindividu à une certaine conformité sociale. Il suit inconsciemment les règles implicites de comportement suggérées par le langage. De ce fait, lattachement à la norme sy fait de plus en plus importante, doù le rapprochement avec le fameux totalitarisme linguistique dOrwell. Alors, sommes-nous en danger? Rassurez-vous, une telle manipulation normative de la langue est encore loin dêtre accomplie. Les facteurs sociaux qui jouent en faveur des nombreuses variations de la langue sont encore trop importants pour laisser sinstaller dans la langue une uniformité déhumanisante. Les fossés entre les classes sociales toujours de plus en plus creux offrent au moins lavantage de continuer à faire fleurir le langage et à lui assurer une évolution constante. Le totalitarisme linguistique ne peut advenir quavec limposition stricte de la norme. Pourtant, il serait déplacé de considérer les puristes comme étant des facteurs éventuellement capables dengendrer une quelconque forme de novlangue. Quoique très normatifs, ils nadhèrent à aucun mouvement de réforme radicale, comme le représente le novlangue. De plus, un langage créé et imposé est impensable sous le mode de production capitaliste, où létat na pas autant de pouvoir sur sa population que dans la société imaginée par George Orwell. CONCLUSION Cest bien connu, la langue est le plus puissant facteur didentification sociale; la communauté de 1984 sidentifie à la société socialiste anglaise, mais sy identifie tellement que lnidividu perd toute sa valeur au profit de la masse. Avec limposition du novlangue dans langsoc, on assite à la formation dun monde extrêmement hermétique et uniforme. Le langage ainsi contrôlé empêche le crime par la pensée et du même fait assure la survie et linfaillibilité du parti. Lincroyable épuration de la langue épure du même coup la pensée commune. La façon dont sy prend le parti pour garder son pouvoir est clairement expliquée dans le récit, mais une question reste sans réponse: pourquoi sacharner ainsi à empêcher légalité et la fraternité humaine? On prêche le pouvoir pour le pouvoir, la torture pour la torture, mais enfin, pour quels motifs? Winston se fait arrêter par la police de la pensée avant de pouvoir lire le chapitre sur le sujet. Peut-être en est-il simplement ainsi avec la nature humaine: affamée de puissance, toujours plus avide de pouvoir. Bibliographie -
ORWELL Georges, 1984, Appendice, Éditions Gallimard, Paris,
1950, p.422-432 |