Mon ordinateur. Des chips de riz au cari thaï. Un thé glacé. Un peu de narguilé aux cerises. Mon piano. La musique dans ma tête (le concerto no2 de proko, comme durant les deux semaines précédentes). Des fanzines qui traînent. Un compte visa. Des bonbons japonais. Je viens de terminer de lire le troisième tôme de Lupus, de Frederik Peeters. J'ai dormi. Maxime. Boire avec une paille. Le concert d'été. Tellements d'éléments, ou bien d'attaches, qui me font ressortir d'un autre monde, le petit train qui diffère des autres petits trains.
J'ai travaillé à Émergo tout l'été passé, et cet été, je n'y suis allée que pendant douze jours. La grande différence, c'était l'absence d'attaches de l'an dernier. Cette année, c'est différent. J'en retire des choses, mais je ne sais dire quoi, tout ça me laisse perplexe. L'an dernier, j'avais pris plein de notes pour faire une Bd sur les autistes, mais à la fin de tous l'été, je ne savais pas trop quoi en dire. Même chose aujourd'hui; je reste ambivalente sur l'expérience. Je me dis que je n'y retournerai plus, mais j'y retourne encore. Même chez moi, j'y retourne, je reste dans la fraîcheur du sujet.
Pendant les premières journées, je n'ouvrais pas mon sac (une espèce de saccoche assez grosse). J'y avais entreposé des reliques de mon monde, des espèces d'icônes d'attaches, un peu comme des objets qu'on ramène d'un voyage pour se souvenir; sauf que c'était des objets que j'apportais en voyage pour me souvenir de la maison, en quelque sorte. J'ai ouvert mon sac le jour 2, pour m'avancer un peu dans les trucs que j'avais à faire pendant l'été, mais juste la vision de ces choses m'a comme gonflée d'un sentiment étrange, je me suis résolue à laisser le sac fermée jusqu'à ce que je sois pleinement encrée dans le nouvel univers d'émergo (le camp a déménagé et je ne connaissais que quelques personnes de l'an dernier seulement). J'ai revu quelques-uns de mes campeurs de l'an dernier, j'ai comme revécu le séjour que j'avais le plus mal encaissé l'an dernier. Cette année, je suis bonne, je n'ai pleuré qu'une fois.
Grosse différence: le site était à quelques 30 minutes de chez moi, alors je pouvais retourner à la maison pendant mes offs. Après coup, j'y repense, et c'était pas une bonne idée. C'était comme de faire la chose à moitié; si j'étais restée là-bas, je me serais coupée du monde carrément, j'aurias pleinement vécu là-bas et là-bas uniquement. L'an dernier, je me contentais de voir le monde de l'université (mais qui changeaient de nom, ce qui coupait drastiquement de la vie de l'université) et d'appeler mon frère de temps en temps. Même pendant les 5 jours de congé entre les séjours, j'étais pas vraiment à la maison, j'étais encore là-bas.
(Le concert d'été est annulé. Ça peut paraître poche, mais ça me soulage. C'est méprisable de ma part, mais c'est la vérité)
Mes premiers chocs avec l'autismes, je les ai eus avec le premier séjour, le séjour des adultes, l'an dernier. J'en suis ressorti avec le sentiment qui allait teinter tout le reste de l'été; mon opinion était faite. Je me suis reconnue dans l'autisme; les obsessions, l'auto-mutilation, l'anxiété dû à des changements ou à des imprévus. Je le pense toujours, les musiciens font d'excellents autistes. Mais voilà, cette année, je n'ai participé d'au 2e séjour, et je n'ai pas pu être reteintée, alors je suis partie avec la même idée, et j'ai fort l'impression que c'est celle qui restera. Émergo est ainsi, et même si j'essaie de me trouver une vision différente de la chose, je sens que je n'y arriverai pas - du moins, pas d'ici quelques années. Seulement, je ne sais pas si c'est dû au fait que j'avais beaucoup de campeurs très autonome et un campeur absolument pas autonome (les extrêmes), je n'ai pas pu m'identifier à eux. On dirait que je vis mon retour d'émergo comme un espèce d'échec. Il aurait fallu que je sois là-bas, mais je n'y était qu'à moitié; j'aurias pas dû retourner chez moi pendant les offs, j'aurais pas dû apporter un découpage de Bd à faire, des partitions à lire, des e-mails à lire, pas dû apporter mes bonbons japonais, et ce, même si je n'y aurais même pas touché; ils étaient là, et c'est suffisant pour m'empêcher d'y être pleinement. Je ne suis pas t`res claire, hein?..
Et puis pépito m'appelait Sylvie-Anne au lieu de Saturne!..
Quelque chose de très différent, que j'ai remarqué, c'est l'espèce de notoriété qu'on acquiert lorsqu'on est un ancien. Je ne me sentais en rien supérieur aux nouveaux moniteurs, loin de là; eux-autres avaient déjà vécu le premier séjour, et tout se joue là-bas. Seulement, je sais pas, il y a un espèce de respect implicite qui s'installe face à ceux qui reivennent. On peut lire "ils se la sont joué durs, et ils ont le culot de revenir", ou quelque chose comme ça. Torcher du caca, animer des personnes qui ne communiquent que très peu, utiliser sa cervelle pour animer pendant les temps morts, adapter les activités au niveau d'autonomie de ses campeurs... mais surtout, vivre avec tout le monde, travailler en équipe avec des gens qu'on ne connait pas beaucoup, s'empêcher de juger les intervention des autres, ou juste leur comportement, c'est dur... non, c'est pas que c'est dur... mais c'est.. comment dire... éprouvant.
Mais voilà, je suis de retour, et je dois prendre sérieusement en main mon été, de telle sorte à ce que je puisse faire le maximum de ce qu'il faut que je fasse (toune pour Delphine, site web du céco, BD du Point B, correction du travial de mozart, apprendre l'étude de ligeti, et bien plus encore), et j'ai comme l'impression qu'il y a eu un vortez de deux semaines où je n'ai existé qu'à moitié. l'an dernier, je me sentrais tellement autistes que j'avais remarqué qu'à chacunes de mes pauses, je tentais de me consarer à des activités demandant de l'agilité manuelle fine, ou bien un certain effort intellectuel, juste pour de dissocier de l'autisme; c'était rendu que je voyais des signes d'autisme dans tous mes gestes et comportements. Cette année, on dirait que je n'ai pas eu à me différencier, et c'est peut-être là le principal indice qui me porte à croire que je n'ai pas fait ma job comme du monde. J'aurais normalement dû être plus imbibée.
N'empêche, j'ai travaillé avec du monde fantastique (une équipe rêvée, vraiment, j'ai adoré pas mal toute mon équipe), et puis j'ai eu des campeurs vraiment adorables, tous autant qu'ils sont. J'ai deux six campeurs: trois pendant douze jours et deux pendant 6 jours. Ce sont les campeurs les plus difficiles qui apportent le plus de satisfaction. C'est bien quand un campeur participe à toutes les activités, rit tout le temps, est super docile, et tout; mais quand un campeur ne veut rien savoir, n'est pas capable de marcher, de manger ou de communiquer, quand il s'auto-mutile jusqu'au sang, quand il est incapable de participer aux activités, juste le voir sourire, ou bien est bien dans un endroit avec soi, ou bien juste de taper dans ses mains pendant une chanson, c'est la plus forte récompense. On voit qu'on change quelque chose, qu'il y a peut-être une différence. C'est parfois éprouvant pour le moral quand il ne va pas bien (et exténuant physiquement aussi), mais on s'attache, croyez-moi, on s'attache vraiment. Je lui chantais des chansons, souvent, il se taisait pour m'écouter. Je viens de revenir, et des fois, comme ça, pour rien, je sens son odeur. On était tellement collé sur lui pour le lever et le faire marcher ou pour tenir ses mains qu'on le respirait constamment. C'est sûr que des fois, il sentait la couche, et ça fait peut-être un peu parti de son odeur, mais c'était pas une puanteur, vraiment... c'était juste.. comme un souvenir.
Alors bon. Ça recommence et on mets ça de côté. Je voulais retranscrire mon journal d'émergo à l'ordinateur comme je l'ai fait l'an dernier, ça prend un jour ou deux (c'est très long, je note tous les détails), mais je ne suis plus sûre que je le ferai. J'ai envie de recommencer quelque chose à neuf. Ça va être bien d'écrire une pièce pour trompette et piano. Faut que je m'y mette dès demain. Je ressort Paupiette et mon cahier de feuilles de musique, je dois d'ailleurs retranscrire l'explication de mon système harmonique pour le faire lire à mon nouveau prof de compo (Alain a envoyé une dépêche pour qu'on affiche que j'ai gagné la bourse de compo de Maestra, ça me gêne un peu). Avec un peu d'espoir, dès que j'aurai commencé, tout ira bien et tout déboulera pour le mieux. C'est juste dur de mettre le pied dans l'eau froide; mais une fois qu'on est saucé, l'eau n'est plus froide. Le début, c'est la partie la plus difficile du processus de création.
Je me suis acheté un dictionnaire de Kanji mais la transaction est toujours refusée. Peut-être que c'est signe que c'est inutile de l'acheter, parce qu'à la fin de l'été, j'aurai tout oublié du japonais anyway... c'est peut-être mieux ainsi, finalement. Je m'embarque toujours dans trop dA'ffaires; j'aurais voulu continuer le japonais, mais ya tellement autre chose, et comme le dirais si bien quelqu'un que je connais, "chaque choix implique un perte", alors bon, je fais mon deuil de japonais. j'aurai toute la vie, de toute fa^con, pour m'y remettre. Mes priorités, ce sont la compo et la BD, point à la ligne.