par Caacrinolas

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C'était vers la mi-août, il planait une odeur de souliers vernis et de complets neufs, de fixatif pour cheveux et de sueur séchée. Malgré tout, l'air était sucré, comme c'est souvent le cas vers la fin des étés.

   
 
J'avais été appelé à participer à un colossal concert-bénéfice. Le programme de la soirée avait été plutôt chargé, mais il était presque terminé; nous en étions à la dernière pièce, le clou du spectacle, le fameux adagio en sol mineur d'Albinoni.
 

   
 
On m'avait nommé second violon, parmi cent dix autres musiciens. Les organisateurs avaient mis le paquet; de quoi achever n'importe quel musicien démophobe.
 

   
  Le violon solo s'appelait Denis (comme moi, quelle ironie). Il est bon, Denis. C'est un théoricien. Il a gagné plein de concours et il écrit des livres. De plus, il est musicologue, il se spécialise dans l'histoire de la pensée musicale russe. Il compose aussi, et il est chef d'orchestre à temps partiel dans un orchestre philharmonique d'europe, je ne me souviens plus lequel.
 

Lui, lorsqu'il joue, il entend des gammes, des arpèges, des ntervalles, des phrasés, du contrepoint, des modulations, des rubatos, des consonnances, des systèmes harmoniques...

   
 
Moi, mon problème, c'est que je suis incapable d'entendre autre chose que de la musique.