En ce moment, de la musique classique, j'en écoute pas tant que ça. Des fois j'ai une petite passe, genre je vais réécouter une toune ou un cycle, mais ça passe et j'écoute plutôt autre chose. Mais il fut un temps où je n'écoutais QUE ÇA. Je dirais de l'âge de 18 ans jusqu'à l'âge de 26 ans. C'est un monde vraiment vaste, ya beaucoup d'affaires à découvrir, pis les tounes sont vraiment longues. Une symphonie à trois mouvements, ça dure une demi-heure. T'en écoute pas tant que ça, tu te tannes ben moins vite. Ya pas énormément de répétitions non plus, je veux dire, comparé à d'autres genres de musique. C'est une définition un peu bouetteuse de la musique classique, je sais ben que c'est pas le terme exact et que les bords du mot sont flous. Est-ce que Westside story c'est de la musique classique? Est-ce que le chant grégorien c'est de la musique classique? Évidemment que je ne parle pas de la musique qui a été composée à "l'époque classique", parce que de cette époque, l'histoire n'a retenu que trois compositeurs: haydn, mozart, beethoven, pis c'est à peu près ça. Néanmoins, j'utilise quand même le terme "musique classique" quand je parle de Debussy ou de Bach, je mets ça dans le gros bassin qui s'appelle "musique classique". C'est plate, parce que le mot "classique" m'emmerde. Mais j'ai beaucoup d'amour pour ce genre musical. J'avouerais aussi qu'en fait, ce que j'aime vraiment, c'est la musique pour piano. Le piano, c'est mon instrument, c'est un instrument que j'aime profondément. J'aime en JOUER, surtout. Mais c'est très très difficile. Je sais qu'il faudrait probablement que je casse quelque chose, comme j'ai cassé quelque chose dans mon dessin, que mes handicaps de jeu peuvent juste être ma façon de faire, mon "style" comme ils disent... Avant, je me disais que je ne voulais pas devenir celle qui est paresseuse en art et qui dit "mais c'est ça mon style", mais des fois je me demande si c'est pas justement l'unique chose à faire. Je suis inconfortable quand je joue du piano parce que j'aimerais ça jouer comme Glen Gould ou comme Frederic Chiu, mais je ne suis pas Glen Gould ni Frederic Chiu. Il y a sûrement moyen de casser ces objectifs. C'est très empathique, je dirais, ma manière d'entendre le piano, je le sens comme si c'était moi qui jouais. Je ressens physiquement ce que le pianiste ressent, ou plutôt, comment je me l'imagine. Je n'ai pas besoin de force pour imaginer: c'est un réflexe, ça vient tout seul, sans effort. J'écoute le vieux CD de Beethoven que j'écoutais quand j'étais ado et je ressens encore ces sensations au niveau du ventre. Ça faisait très très très longtemps que j'avais écouté du Beethoven. C'est pas un compositeur qui me fait tripper, je le trouve pas très bon à écrire des mélodies. Il paraît qu'il a écrit un seul opéra et c'était un flop. Probablement qu'il saivait pas chanter, mais en tout cas, l'intérêt est pas vraiment là, pis il existe quand même 4-5 tounes qui font battre mon coeur beaucoup. Une d'entre elle, c'est la sonate no 14, la "moonlight sonata", que tout le monde connaît, je pense. Elle est pas très difficile (techniquement) à jouer alors beaucoup de gens l'apprennent quand ils débutent le piano, ce qui fait qu'on est habitué à l'entendre par des débutants. Mais cette toune-là devient écoeurante juste jouée par quelqu'un qui a vraiment la maîtrise du mouvement lent, et faire des tounes lentes, my god, c'est tellement, tellement, tellement difficile... Faut arriver à ne jamais perdre le fil... à rester dans l'élan... et en même temps, cette toune-là est super triste, faque quand tu la joues, t'as comme pas le choix d'être suuuuper triste... quand un pianiste joue ça avec douleur, ça s'entend. Je l'ai entendue dix mille fois, dans plein de contextes différents, par plein de pianistes différents, de plein de niveaux différents... et quand je reviens sur cette version bâtarde que j'écoutais ado, jouée par un inconnu sur un CD de vieille musique libre de droits acheté dans un dépanneur avec un fascicule, alors là mon esprit s'ouvre, je n'ai plus de mots et je commence à être attirée vers le sol.