<Littérature>

J'ai trouvé ce texte sur mon ordinateur, je ne me souviens plus trop quand est-ce que je l'ai écrit. C'était supposé être le début d'un plus long projet, donc comsidérez-le comme incomplet...

Il ne pleuvra plus, chers amis

Angoisse... Angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse........ Angoisse angoisse... angoisse angoisse.......... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse.... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse...... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse......... Angoisse.. Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse....Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse angoisse... Angoisse angoisse................... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse.... Angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse angoisse...

Je possède une pomme. Il y a une pomme dans la poche de mon manteau. J'ai peur des gens qui me parlent, des gens que je ne connais pas. Quand ils approchent trop près de mon odeur corporelle, ma main se glisse discrètement dans l'ouverture de la poche. Je sens la pression de mon doigt sur la gachette, je sens l'odeur de sueur qui sommeille entre mon index tremblant et le vert de la pomme. La balle ne sort jamais. Ça ferait un trou dans mon manteau. Et puis... j'ai bien trop peur du sang des autres... mais encore plus du miens, si vous saviez…

Me voilà encore assis dans le métro. Ma main reste ne contact avec la pomme. Elle la caresse avec tendresse, elle respire son parfum, une belle pomme verte toute fraîche, toute prête à se faire mordre, n'importe quand. Là où elle est, je ne peux pas la voir, cette pomme, mais je sais de quoi elle a l'air; je l'ai mise moi-même dans ma poche ce matin, après l'avoir affectueusement lavée et séchée. Elle veille dans ma poche de gauche, je veux dire, dans la poche qui se tiens à gauche de vous quand vous enfilez le manteau, ou bien la poche de droite quand vous regardez une personne devant vous qui porte le dit manteau. Mais droite ou gauche, ça revient au même. Que la pomme soit dans la poche de droite ou de gauche, ça n'a n'offre en vérité pas beaucoup de différence.

Oh, il y en a une, pourtant. C'est la main gauche qui roupille dessus. Elle est là, la différence. Si c'était ma main droite qui la touchait, elle ne caresserait pas le fruit. La pomme subirait les codes morses qu'envoie le contact des doigts agités sur la peau lisse et pure du fruit. Ma main droite ne dors jamais. Elle est sans cesse en mouvement, elle est en vie.

Là-bas, il y a des gens qui parlent de ne je sais quoi. Ils me regardent… me regardent-ils? Je ne sais pas ce qu'ils disent. J'écoute de la musique. Je me préoccupe bien plus de ce qui chante de ce qui se dit autours de moi. Il y a beaucoup de monde, c'est l'heure de pointe, mes doigts fébriles et nerveux agrippent la pomme un peu plus intensément, juste un peu plus fort, au cas où. Je sens la gachette, mais je n'y touche pas. Je monte le volume de la musique, parce que je ne souhaite pas entendre les autres qui parlent de mort autours de moi.

Non, ils parlent d'amour. Parler d'amour ou parler de mort, c'est la même chose de toute façon. La pomme est alerte, mes doigts le sont, ils n'endommagent pas la pomme car les doigts sont ronds et doux, durs mais tendre. Mon poignet est fort, mon bras est souple, le bras parfait pour tenir un archet. Faute d'archet, j'ai une pomme.

Là, présentement, c'est Paganini qui joue, lui-même en personne. Niccolo Paganini. C'était tout un homme, Paganini. J'en ai lu des tonnes sur son compte. Il incarnait, paraît-il, le plus grand virtuose du violon de tous les temps. Sa position pour jouer était, a-t-on dit, exécrable et probablement très discutée par les apothicaires de la musique de ce siècle, mais quel charme, mes amis, quel charme! Il portait dans sa chair les plus brillants élans de poésie, c'était un monstre qui bravait toutes les tempêtes, il a lui-même offert la flamme musicale à des générations et des générations après lui… Caractérisé maintes fois par ses attitudes félines, on le déclara à maintes reprises le plus grand virtuose de tous les temps.

Quand on est gamin, même quand on est moins gamin que gamin, on joue à avoir peur. On trouve toujours plaisant le fait d'être terrifié. Il y en a qui louent des films d'horreur, d'autres lisent Poe, et d'autres encore tentent de dompter les gros manèges des parcs d'attraction. Pour ma part, j'ère dans le métro. C'est terrorisant, mais ça ne m'amuse plus. J'ai envie de retourner chez moi. Heureusement, j'ai les écouteurs sur les oreilles. Non, je n'ai pas d'écouteurs sur les oreilles. Ceux-ci sont toujours brisés au bout de trois jours, ils ne tiennent jamais le coup aux coups de théâtre d'un Rachmaninoff ou d'un Beethoven. J'ai décidé de les incorporer à même mon cerveau, dépassé mes oreilles, là où les notes viennent vraiment drainer mon âme errante. On ne se met pas un pansement au genou quand on saigne du coude; pourquoi alors mettrais-je des écouteurs sur mes oreilles? Et puis c'est un bien belle prétention d'appeler ces espèces d'arches de plastique tordu des " écouteurs ", parce qu'enfin, ils ne vous écoutent jamais…

Il y a des gens partout autours, j'ai peur, mais ils m'ignorent. Je ne fais pas partie de leur monde comme ils ne font pas partie du mien. Ils font partie du mien, à grande échelle, en tant qu'assemblée, mais pas individuellement. Je veux dire… je ne connais pas leur couleur préférée, et ils ne savent pas qui je suis réellement. Ils n'ont aucune idée de celui qui est présentement assis, main gauche dans la poche, à dévisager les passant en se tortillant de frayeur.

Je suis Niccolo Paganini. Enchanté. Ne le dites pas, surtout, c'est un secret.

Ils ne peuvent pas savoir, parce que je n'en ai pas l'air. Mais ça ne fait rien. Les différences sont minimes et futiles. Je n'ai pas de pénis. J'ai des seins. Je suis gaucher. Je n'ai jamais touché à un violon de ma vie. Mais, attention, ne vous faites pas de fausses idées, ce ne sera pas bien long. Après tout, je suis l'illustre Paganini, je me dois d'acquérir un violon avant qu'il soit trop tard. Je dois faire honneur à mon nom et à tout ce que je représente au sein de l'histoire musicale.

Je suis Paganini, il n'y a aucun doute. Depuis que je suis né, j'ai toujours été un petit garçon de génie, j'ai toujours réussi à l'école, je me suis toujours inscrit dans les cours enrichis. Ma mère ne faisait pas de musique, mon père non plus; il était gérant de banque et elle était adjointe administrative. Cela fait vingt ans tout compté que je côtoie la plus haute gamme du genre humain. J'ai touché le piano, une fois, chez ma grand-mère, puis la flûte, à la petite école, mais je ne pouvas pas m'y offrir, j'étais Paganini, le grand virtuose du violon! Que ferait Picasso avec un arc et une flèche? Que ferait Robin des bois avec un pinceau et un peu d'acrylique?

Je suis allé plusieurs fois voir les violons dans la vitrine du petit luthier près de chez moi. Non, il n'est pas près de chez moi, il faut marcher beaucoup, mais enfin, il est plus près de chez moi que la chapelle Sixtine ne l'est. Il ne me suffirait que d'en emprunter un, quelques minutes, pour prouver au petit luthier ma qualité d'homme de concert, mon caractère félin et mon poignet brûlant… il ne me suffirait que d'un peu d'argent pour acquérir enfin un violon et montrer enfin aux gens ma réelle condition. Personne ne sait que je suis Paganini, je suis le seul à le savoir.

Les gens fixent ma main droite qui danse sur mon genou. Elle joue à créer le vingt-quatrième caprice, mon vingt-quatrième caprice. Il y a un siècle que je n'ai pas touché à un violon, il faudrait que je garde la forme. C'est pour cela que je m'exerce dans le métro, tout le temps, pour ne pas perdre la forme. On sait qu'un musicien, ça se gâche vite s'il ne fait pas attention.

Il me faudrait de l'argent… je pourrait braquer une banque, je pourrais voler un dépanneur, mais je ne peux pas, je pourrais risquer d'éclipser ma carrière de virtuose. Une telle tache ne s'essuie pas aussi vite qu'on le croit. Je n'ai pas le droit de salir mon identité au nom de la reconnaissance. Ouais. En vérité, tout ce que je souhaite, c'est un peu de reconnaissance, voire même un minimum d'intérêt de la part de ces gens inconnus qui passent autours de moi. Ils sont pressés, ils vont, ils courent, ils volent, ils se suicident. Aucun d'eux ne s'est déjà arrêté pour me sourire ou découvrir leur tête d'un chapeau de gentillesse.

Oh, c'est arrivé une fois, de la part d'une vieille dame. Elle était persuadée que j'étais une jeune fille, la pauvre, elle n'avait aucune idée. Elle s'est approchée, elle a peut-être vu que j'écoutais de la musique ou je ne sais pas, elle a peut-être été attirée par les vocalises de mes doigts sur mon genou, et elle m'adressa la parole :

" Bonjour, jeune fille, je viens de perdre mon emploi… "

Je n'ai jamais souhaité rien de tel. Ce n'est pas une reconnaissance, c'est ni plus ni moins un aveu formel, une confession, quoi. Mais je ne suis pas catholique. Je suis Paganini. Je ne voulais pas lui dire, elle semblait tellement attachée à la religion que j'ai pensé préférable de la laisser dans ses illusions. De toute façon, la voix m'avait fui, je n'aurais pas pu dire quoi que ce soit. Je pouvais sentir le fourmillement de mes doigts immobiles, immobiles mais tremblants sur mes deux genoux collés. L'eau s'agglomérait entre mes genoux tellement je les sentais serrés. Je voyais des vagues partout, je ne pouvais pas rien dire, le son n'était plus pour moi une faculté mais un objet égaré. Elle m'a souri, j'ai pu admirer ses belles grosses dents délectables, dignes d'un tableau de Bartok. Elle avait faim, insistait-elle. Elle avait très faim. J'étais trop confus pour intenter quelque discours. Dans mon sac, une pomme se tenait au garde à vous.

La pomme, la pomme, la pomme, elle était là, et bien que la vieille me voulait de l'argent, je savais bien qu'elle voulait de la nourriture. Mais ce qu'elle voulait m'importait bien peu; je souhaitais seulement qu'elle s'en aille… La pomme fuyait le contact de ma peau tourmentée, cherchait son chemin au travers des sinueuses allées de mon sac.

La vieille s'en est allée après l'avoir reçue de mes pauvres mains blanchies de frayeur. Elle ne semblait pas particulièrement satisfaite de la nourriture, mais au moins elle partait, de plus en plus loin de moi. Les parcs d'attraction et les films d'horreur, ce n'est pas gratuit. Ça ce l'est, et c'est mille fois pire. Et jamais elle ne su que j'étais Paganini.