C'est un bon temps pour la fraude. Le vol, aussi, le vol de multinationnales, ou bien de grosses compagnie, de vol à l'étalage. C'est un bon temps pour se faire des copains, se faire des amis, et s'endetter à mort pour manger du cinq étoiles à chaque repas. C'est un bon temps pour faire le tour du monde, pour écrire des chansons, et c'est le temps le plus moche pour faire des enfants. Il est temps de penser à court terme, le long terme est un luxe qu'on ne pourra plus s'offrir. On dit qu'il faut lutter pour préserver la planète, qu'on doit combattre pour la survie de l'espèce. Je crois que c'est déjà perdu. Le genre humain a signé son propre arrêt de mort.
Ya des gens qui chialent, contre les riches de la planète, le tiers-monde, les gens pressés et stressés, qui ne s'attardent plus à la vie. Si ces gens-là hurlent ou jappent, c'est qu'ils ont encore espoir. Je ne suis plus sûre que le concept, l'idée du "long terme" est un luxe qu'on peut encore se permettre. La bataille est déjà perdue; d'ici cent ans, peut-être que la fin du monde aura déjà eu lieu.
C'est alarmiste? C'est négatif? C'est déprimant? C'est cynique? Je sais pas. En tout cas, c'est pas si irréaliste. Quand on pense qu'on aurait besoin de diminuer de 50% les émissions de gaz à effet de serre et que le protocole de Kyoto a toutes les misères du monde à les faire baisser de quelques 5%, on commence à se demander si ça vaut la peine de se battre. On est dans une machine qui va à vive allure et qu'on a de la difficulté à arrêter, et elle fonce droit sur un mur.
Ça fait drôle, quand même, de penser sans lendemain.Ça sert à rien d'être carriériste, il n'y a pas de futur. Aussi bien être gentil avec les autres, essayer de finir ça en beauté. C'est drôle, on peut pas non plus écrire pour la postérité (c'est une idée romantique qu'on se fait parfois quand on écrit de la musique; on se dit que plus tarsd, des musicologues pourraient bien s'ostiner sur notre cas - mais encore faut-il qu'il y ait des musicologues pour le faire). Je suis né à la meilleure place sur la planète, dans les meilleures circonstances possibles, et je suis une des dernières générations à vivre confortablement. C'est bizarre, parce que secrètement, je viens presque à le souhaiter. Je souhaite que ce monde disparisse, l'être humain n'est pas digne ce qui lui a été offert de toute façon. On va se tuer et puis c'est tout; la terre, elle, survivra. Et peut-être dans un milliard d'année il y aura une autre espèce humaine, qui va vivre par-dessus nous et par-dessus les dinosaures, qui elle aussi va se demander pourquoi elle est là et qui va peut-être elle aussi partir sans avoir su pourquoi.
Si on vous disait que vous aviez un cancer et 2 mois à vivre, qu'est-ce que vous feriez? Moi je sais pas, j'écrirais 5 bouquins, j'écrirais de la musique, je ferais des films, je laisserais le plus de choses possibles derrière moi. C'est absurde comme idée quand vient le temps de la transposer au genre humain; parce que si créer me fais sentir plus vivante, c'est nécessairement parce que la création comme telle vient toucher d'autres personnes, c'est parce qu'elle entre en interaction avec une tierce partie qu'elle trouve tout son sens. Mais si il n'y a plus personnes, alors tout est sans conséquences, et si tout est sans conséquence, tout est permis..
Qu'est-ce qui reste? eh bien il reste la musique, les copains, l'amour, la ville...et la morale. C'est pas parce qu'il n'y a plus de lendemain qu'il n'y a plus de morale. Sauvons le peu de valeur qu'il nous reste, pour terminer tout ça le plus en beauté possible. Pas le temps de s'en faire pour des chimères, on a le devoir de terminer ça en beauté, de façon à ce que notre suicide collectif ait quand même le sens d'une apogée.
Je sais, je suis un peu utopiste...
Bon, ok, je me laisse quand même l'option d'être sauvée (comme le larron sauvé), mais j'y crois de moins en moins. Et puis... si on est tellement sans conséquence, on devient par le fait même infiniment plus léger..
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