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5 janvier

Aujourd’hui, je me suis coupée avec ma propre peau. Ouais. Je croyais que c’était un bout d’ongle qui dépassait, parce que je me ronge énormément les ongles. Mais non, c’était de la peau. De la peau pointue. Je me suis grafignée le visage avec ma peau. À gauche de mon nez. C’étais dans un cours de maths. Juste après avoir appris que ma vie était foutue. Que ça ne valait plus la peine de vivre. Que j’étais dans une impasse et que je ne pouvais pas en sortir.

J’ai appris ce midi qu’il n’y aurait pas de pièce de théâtre à l’école. Robert refuse d’en faire une. Il avait dans l’idée de monter l’opéra de quat’sou (je ne sais pas si je l’écris correctement) et il dit que nous avons perdu trop de mois (à cause du boycott). Nous aurons pas de pièce de théâtre. C’est ce qui me gardait jadis en vie. Je suis morte.

Ensuite, en maths, j’ai appris une note d’examen qui valait 30%. J’ai eu 36%. Pour cet examen. En d’autres mots, je coule presque instantané mon étape. Et si je coule, je ne pourrai pas aller en dessin animé. Ni à Jonquière. Ni nul part ailleurs. Ça signifie simplement que je ne serai pas acceptée au premier tour. Ça signifie que je suis foutue. Foutue, foutue, foutue. À part ça, j’ai eu ma note pour un travail d’histoire pour l’OBI. J’ai coulé aussi. Je vais bientôt avoir une note de chimie (un examen ordinaire et un de labo) et je sais que ça s’est mal passé. Même chose pour mon examen d’économie.

Ma mère mets ça sur le dos de l’ordinateur. Je fais trop d’ordi. Je fais trop de loisirs, je fais passer mes plaisirs avant mon travail selon elle. Mon père, de son côté, est fataliste. Je suis foutue, dans ma merde jusqu’au cou, c’est une tache qui va me suivre toute ma vie et qui va me pourrir l’existence.

Parlons de mon anniversaire. Je suis restée chez moi et je me suis louée deux cassettes vidéo. Évidemment, ma fête a encore passé sous silence cette année… Je n’ai même pas soufflé de bougie, et mes parents ne m’ont pas chanté bonne fête. Vers deux heures du matin, je me suis levée, j’ai allumé des sept chandelles (je n’en avait pas dix-sept), J’ai fait un vœux et je les ai soufflées.

C’est pas que mes amis m’ont ignoré. J’ai été invitée à deux places; à St-Bruno et au Cafka. Mais j’étais déjà déprimée, alors voir du monde, ça m’enchantait pas. Puis le Cafka, j’ai refusé parce que j’avais déjà loué deux films, puis il aurait fallut que j’emprunte l’auto et ça enchante jamais mes parents. Et j’ai honte de leur demander un lift. À chaque fois. Ça me fait sentir coupable (et ils se forcent aussi pour me faire sentir coupable). Puis… Catherine ne m’aurait jamais appelée si je n’avais su mot de cette rencontre au Cafka. J’étais comme… je fitais pas dans le décors. Puis m’appeler et m’inviter était une tentative de rescapage pour se racheter. Parce que je le savais que j’étais pas invitée. Non, mais ça ne me dérangeait pas vraiment, je veux dire, ils peuvent faire des rencontres entre eux, c’est pas de mes affaires, qu’ils fassent ce qu’ils veulent, j’ai pas à me sentir rejetée comme Cathou pensait sûrement…

Si j’ai une moyenne si basse à l’école, je ne pourrai probablement pas aller en dessin animé. C’est mon frère qui va être content. Il ne voulait pas que j’aille dans ce programme. Et si je ne suis pas acceptée là. Je ne sais pas trop ce que je fais. Je me tue? Non… Se tuer est un non-sens… Euh.. j’ai une grosse théorie sur le non-sens du suicide.

Ouaip. Celui qui se tue se tue parce qu’il ne s’aime pas. Parce qu’il n’aime pas la situation dans lequel il vit. Parce qu’il se sens inutile au sein de sa société. Parce que ses buts sont écroulés, parce que ses rêves semblent impossibles à atteindre. Parce qu’il n’a plus moyen de venir à bout de sa vie, parce qu’il se sent enfermé, dans un étau, dans une impasse. Il pense vraiment que son être n’est rien. Qu’il ne peut donner à tout ceux qu’il aime tout ce que les autres lui donne. Il aime les autres. C’est lui-même qu’il n’aime pas. Il aime les autres mais il crois qu’il ne reçoit rien en échange. Ou sinon qu’il reçoit trop et que lui ne donne rien – il se sent inférieur. Donc, s’il se tue, pas de problème pour lui, mais il blessera tout ceux qu’il aime au plus haut point. Se tuer est un acte de vengeance envers ses proches, pour les faire sentir coupable et pour qu’ils se rendent compte que la personne existait. Seulement, Celui qui veut mourir mais qui aime ses proches ne peut pas mourir, parce qu’il ne se punirait pas lui, mais punirait les autres! Alors celui qui a ce problème là (en l’occurrence : moi) a un méchant problème et est dans une impasse très noire…

La déprime. C’est une bête. Elle vous colle au pores et ça vous gratte partout tout le temps. La déprime, c’est vraiment un animal, qui peut se détacher du corps humain comme il peut s’en approprier. Il vous attire toujours vers le sol – il accentue la gravité terrestre chez les victimes. Ça se tient généralement dans le bas du dos, mais ça s’aggripe à la nuque, des fois au cou. Ça reste sur votre dos comme un animal mort, et ça pue comme un animal mort. Mais c’est pas mort. Ça vit pour vous envenimer. Pour vous infiltrer, dans rentrer dans votre sang et le faire tourner mauve. Ça vient mettre un petit écran noir devant vos yeux. Et c’est une roue qui tourne, parce que plus on déprime, plus ça va mal, et plus ça va mal, plus on déprime.

Et je me demande si j’aurai le temps de finir mon projet personnel. C’est immense et j’ai si peu de temps.

J’aimerais faire de l’argile et apprendre de nouvelles partitions de piano. J’aimerais refaire ma page web sur sailor saturn, améliorer celle-ci et toujours créer. J’aimerais dessiner tout le temps. Et m’améliorer en dessin. Mais je ne peux pas. Je ne peux seulement pas. À cause de l’école. À cause des parents. À cause de tout.

Je suis tellement fatiguée. J’ai le goût de dormir pour toujours. De m’installer dans un lit et de ne plus bouger. Rester là indéfiniment, et pousser ma propre merde avec mes pieds. Manger sur place, dormir sur place… puis en même temps, j’aimerais avoir la force de faire du deltaplane. Et de jouer du piano comme j’en ai jamais joué, avec un orchestre, tiens. Ou au moins avec deux violons. Je veux faire du théâtre, du vrai! Du vrai théâtre avec des émotions, des tripes et des pleurs, pas de la respiration et du survol d’extrait. J’aimerais passer une semaine entière sur la réalisation d’une sculpture en argile. Une semaine entière. Avec tout les détails, avec de la peinture, avec des teintes et des reflets, avec des textures. J’en ferais plusieurs et je m’ouvrirais une exposition.

Une exposition où je pourrais jouer du piano en montrant mes dessins et mes sculptures, tout en allant jouer le soir, après la fermeture de l’exposition, une pièce de théâtre dont tout les critiques raffoleraient. Mais même si je fais tout ça, il reste un problème majeur : je ne sers à rien.

Je ne sers à rien. Je suis inutile à ma société. Je voudrais être rien de plus qu’un objet de divertissement. Je ne sauve pas de vie en étant clown. Je n’améliore par le monde en étant artiste. Je n’amène absolument rien. Je suis inutile. Je ne sers à rien. Qu’à du divertissement bénin que n’importe qui pourrait offrir. Tout le monde veut faire ça. Je ne serait qu’une de plus sur le tas. C’est affreux d’être inutile.

Section Dessin